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sième me jour, et il ne m’écrit ni ne vient. Donnez donc ma lettre demain vous-même aux bonnes gens dont je viens de vous parler ; ils se chargeront de l’envoyer et, s’il y a une réponse, vous me l’apporterez ici, comme toujours.

— Mais la lettre, la lettre ! il faut d’abord l’écrire, ou tout cela ne pourra se faire qu’après-demain !

— La lettre… dit Nastenka un peu troublée, la lettre… mais… Elle n’acheva pas, elle détourna son petit visage rose et je sentis dans ma main une lettre toute prête et cachetée. Un souvenir familier, gracieux et charmant me vint.

— R o, ro ; s i, si ; n a, na, commençai-je.

« Rosina ! » chantâmes-nous tous les deux. Je l’étreignais presque dans mes bras, j’étais transporté de joie. Elle riait à travers les larmes qui tremblaient au bord de ses cils.

— À demain. Vous avez la lettre et l’adresse.

Elle me serra fortement les mains, salua de la tête et disparut. Je restai longtemps immobile, la suivant des yeux.

TROISIÈME NUIT

Journée triste, pluvieuse, terne comme une vieillesse future. D’étranges pensées se pressent dans ma tête ; ce sont des problèmes, des mystères où je ne distingue rien, des questions que je n’ai ni la force ni la volonté de résoudre. Non, ce n’est pas à moi de résoudre toutes ces questions.

Nous ne nous verrons pas aujourd’hui. Hier, quand nous nous séparions, des nuages couvraient le ciel, le brouillard commençait. Je dis que le lendemain serait