Page:Dostoïevski - Le Joueur - Les Nuits Blanches, trad. Kaminski, ed. Plon, 1925.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
les nuits blanches

mon Dieu ! Eh bien, n’êtes-vous pas contente, maintenant, de ne pas vous être fâchée tout à l’heure, de ne pas m’avoir repoussé dès le premier mot ? En deux minutes, vous m’avez rendu heureux pour toute la vie, oui, heureux ! vous m’avez réconcilié avec moi-même ! vous avez peut-être éclairci tous mes doutes ! S’il me revient des instants semblables… Eh bien, je vous dirai demain tout, vous saurez tout, tout…

— Alors c’est vous qui commencerez ?

— Entendu.

— Au revoir !

— Au revoir !

Et nous nous séparâmes. J’errai toute la nuit, je ne pouvais me décider à rentrer…

« À demain ! »

DEUXIÈME NUIT

— Eh bien, vous voyez que vous vivez encore ! dit-elle en riant et en me serrant les deux mains.

— Je suis ici depuis deux heures. Savez-vous ce que je suis devenu toute cette journée ?

— Oui, oui, je le sais… Mais savez-vous, vous, pourquoi je suis venue ? Ce n’est pas pour bavarder comme hier. Désormais il faut agir plus sagement ; j’ai beaucoup réfléchi à tout cela.

— En quoi donc plus sagement ? Je ferai ce que vous voudrez ; mais je vous jure que je n’ai jamais été si sage.

— C’est possible. Mais d’abord, je vous prie de ne pas me serrer si fort les mains ; ensuite… ensuite, j’ai beaucoup pensé à vous aujourd’hui.

— Et ?…

— Voici. J’ai décidé que je ne vous connais pas encore, que j’ai agi hier comme un enfant, et il va sans dire que