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Et savez-vous, Iakov Pétrovitch ?… Vous n’êtes pas de notre province, hein ?…

— Non.

— Lui non plus n’est pas d’ici. Peut-être est-il de la même province que vous. Où habitait votre mère ? Oserais-je vous demander ?…

— Vous avez dit… vous avez dit, Anton Antonovitch, qu’il n’est pas de cette province ?

— Non, il n’est pas d’ici. En effet, c’est extraordinaire, continua Anton Antonovitch, pour qui tout bavardage était une véritable fête. En effet, c’est très curieux. Comme souvent nous passons devant les choses, nous les heurtons, nous les touchons, et nous ne les remarquons pas. D’ailleurs, ne vous frappez pas. Ce sont des choses qui arrivent… Je puis vous raconter. C’est arrivé à une de mes tantes maternelles. Elle aussi avant sa mort s’est vue en double.

— Non, excusez si je vous interromps, Anton Antonovitch. Non… Je voudrais savoir comment cet employé est arrivé ici. Enfin pour quel motif…

— Il a pris la place de feu Séméon Ivanovitch. La place était vacante. On la lui a donnée. Ah ! savez-vous, on dit que feu Séméon Ivanovitchi a laissé trois enfants en bas âge. Sa veuve s’est jetée au pied de Son Excellence. On dit pourtant qu’elle joue la comédie, qu’elle a de l’argent, mais qu’elle le cache…