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depuis longtemps déjà, que quelque chose se préparait là-bas, chez eux, que là-bas, chez eux, on avait d’autres vues. Mais quoi ? Après mûre réflexion, M. Goliadkine décida de se taire, de se soumettre, et de ne pas protester, jusqu’à nouvel ordre, à propos de l’affaire.

« Ils ont peut-être voulu seulement me faire peur, mais s’ils voient que je ne proteste nullement, que je m’incline complètement et que je supporte tout avec soumission, ils reculeront, ils reculeront d’eux-mêmes… ils reculeront les premiers… »

Ainsi songeait M. Goliadkine qui, s’étirant dans son lit, et allongeant ses membres rompus, attendait que Pétrouchka entrât, comme chaque matin, dans sa chambre.

Il attendait depuis un quart d’heure déjà. Il entendait le paresseux Pétrouchka, derrière le paravent, disposer le samovar, et pourtant, il ne pouvait se décider à l’appeler. Bien mieux, M. Goliadkine avait légèrement peur d’un tête-à-tête avec Pétrouchka.

« Dieu sait, pensait-il, Dieu sait comment le coquin envisage cette affaire. Il ne dit rien, mais il n’en pense pas moins… »

Enfin la porte grinça et Pétrouchka apparut le plateau à la main. M. Goliadkine le regarda timidement, mais attendant avec impatience qu’il prononçât quelque parole à propos de ce qu’il savait bien. Mais Pétrouchka ne dit rien.