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(en toute autre circonstance cela eût étonné M. Goliadkine) paraissait attendre et ne s’était pas couché. Il ouvrit aussitôt la porte et suivit, la bougie à la main, l’homme qui rentrait. Hors de lui, M. Goliadkine bondit dans son appartement, sans ôter son manteau et son chapeau, il traversa le petit couloir et s’arrêta comme s’il eût été frappé de la foudre au seuil de sa chambre. Tous ses pressentiments se réalisaient ; tous ses pressentiments et toutes ses craintes. Sa respiration s’interrompit, sa tête tourna. L’inconnu s’assit devant lui, sur son lit ; il avait aussi gardé son chapeau et son manteau. Il sourit faiblement, cligna légèrement des yeux et fit un signe de tête amical. M. Goliadkine voulut crier, protester, mais il ne put pas, il n’eut pas la force. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Il s’assit. D’effroi il perdit connaissance. Il y avait de quoi. M. Goliadkine avait reconnu son ami nocturne. Cet ami nocturne n’était autre que lui-même, M. Goliadkine, un autre M. Goliadkine, mais absolument pareil à lui-même, son sosie absolu……