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elle, chacun s’empresse à la saluer et à la remercier. Mais tout à coup devant elle apparaît M. Goliadkine. M. Goliadkine est pâle, effroyablement troublé. Lui aussi semble à bout de force. À peine peut-il se tenir. Il sourit vaguement, et lui tend la main. Clara Olsoufievna, dans son étonnement, n’a pas eu le temps de retirer sa main, et, machinalement, elle se lève à l’invitation de M. Goliadkine. M. Goliadkine s’avance un pas après l’autre, soulève un pied, glisse sur l’autre, frappe du pied… et… vacille… Lui aussi voulait danser avec Clara Olsoufievna. Clara Olsoufievna pousse un cri. Tous se précipitent pour délivrer sa main de la main de M. Goliadkine. La foule le repousse à dix pas Un nouveau cercle se forme autour de lui. Deux vieilles dames, qu’il faillit renverser en reculant, poussent des cris et des hurlements. La confusion est terrible. Tous interrogent, crient, interpellent. L’orchestre s’est tu. Dans le cercle qui l’entoure, M. Goliadkine se retourne et, machinalement, avec un léger sourire, il marmotte, ou à peu près, que « la polka est à son avis une danse nouvelle, intéressante, inventée pour le plaisir des dames… mais que s’il en est ainsi… il est prêt à consentir… »

Mais personne ne demanda le consentement de M. Goliadkine. Il sentit que tout à coup une main s’appuyait sur son bras, qu’une autre main s’appuyait légèrement sur son dos,