Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, Guerrasimitch, vous vous trompez, vous vous trompez.

— C’est peu probable.

— Non, Guerrasimitch, il n’y a pas de doute, il n’y a aucun doute, personne ne me demande, personne ne peut me demander. Je suis ici chez moi, Guerrasimitch, à ma place…

M. Goliadkine respira et regarda autour de lui. Voilà bien. Tout le monde dans le salon a les yeux et les oreilles tendues vers lui. L’attente est solennelle. Les hommes s’avancent et écoutent. Plus loin les dames chuchotent. Le maître de maison lui-même s’est approché de M. Goliadkine. Pourtant il ne semble pas qu’il eût pris garde à l’aventure de M. Goliadkine. Tout se passe entre gens bien élevés. Néanmoins M. Goliadkine sent très nettement que l’instant est pour lui décisif. Il voit clairement qu’il est temps de frapper un grand coup, de faire honte à ses ennemis. M. Goliadkine est ému. Il obéit à l’inspiration et d’une voix tremblante et solennelle dit à Guerrasimitch qui attend toujours :

« Non, mon ami, personne ne m’appelle. Tu te trompes. Je dirai plus. Tu t’es trompé aussi ce matin en m’affirmant, en osant m’affirmer (ici M. Goliadkine haussa la voix), qu’Olsoufi Ivanovitch, mon bienfaiteur depuis si longtemps, et qui, je puis le dire, m’a tenu lieu de père, me fermait sa porte, au moment d’une