Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il heurte en passant un conseiller et lui marche sur son cor. Il glisse à propos, sur la robe d’une vieille dame respectable et la déchire légèrement. Il pousse le domestique qui tenait le plateau, bouscule encore quelqu’un, et, sans prendre garde à rien, ou plutôt s’étant fort bien aperçu de tout, brusquement, sans regarder personne, marchant toujours avant, il se trouve devant Clara Olsoufievna. Ah, certes, il voudrait être sous terre. Mais ce qui est fait est fait. Rien n’y peut remédier. Que va-t-il faire ? « Même si on échoue, il faut savoir se tenir. M. Goliadkine sans doute n’est pas un intrigant et n’essaye pas d’essuyer le parquet avec ses bottes. » C’est fait. De plus les Jésuites s’en sont mêlés… Mais ce ne sont pas eux qui sont devant M. Goliadkine. Tout ce qui marchait, parlait, riait, comme par enchantement se tait et se groupe autour de M. Goliadkine.

M. Goliadkine est comme s’il ne voyait et il entendait rien. Il ne peut regarder… pour rien au monde il n’oserait regarder. Il baisse les yeux et reste ainsi… En même temps il se donne à lui-même sa parole d’honneur de se tuer cette nuit « Advienne que pourra ! » se dit M. Goliadkine. Il en est tout étonné lui-même, — est à n’y pas croire, mais le voici qui parle.

Il commence par les félicitations et les souhaits d’usage. Les félicitations passèrent bien,