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Que faisait-il donc ? Il est arrivé au vestibule de l’escalier de service. Pourquoi pas ? Tout le monde y peut arriver. Il n’ose pas aller plus loin. Évidemment il n’ose pas… Ce n’est pas qu’il n’ose pas, il ne veut pas. Il préfère agir en cachette. Voilà… Il attend, en cachette, il attend pendant deux heures et demie. Pourquoi n’attendrait-il pas ? Le ministre lui-même a attendu. « Mais quoi ?… pense M. Goliadkine. Ah ! si maintenant je pouvais… entrer ! Eh toi, figurant, se dit M. Goliadkine pinçant avec ses doigts sa joue gelée, tu n’es qu’un sol ! » Ainsi se parlait à lui-même M. Goliadkine, par ci, par là, sans but précis. Voilà. Il avance de quelques pas, le buffet est vide… personne. M. Goliadkine voit par la fenêtre l’intérieur de la pièce. En deux pas il est à la porte, il l’ouvre.

« Y aller… n’y pas aller ? faut-il y aller… ou bien non ? J’irai… Pourquoi n’irais-je pas ? L’audacieux trouve partout sa route. »

Ainsi s’encourage M. Goliadkine. Tout à coup, brusquement, il recule derrière le paravent.

« Non, pense-t-il, si quelqu’un entrait !… Ça y est… on est entré. Pourquoi n’ai-je pas profité du moment où il n’y avait personne ?… Il fallait me décider, rentrer ! Oh la nature humaine !… Lâche tendance ! Poltron comme une poule. Avoir peur, voilà notre destin. Voilà. Voilà Rester là comme une bûche… sans plus. Si