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se décide à Improviser un modeste petit bal, malgré les dépenses auxquelles il entraînera. Il envoya un jeune homme chercher des musiciens. Onze musiciens arrivèrent. À neuf heures et demie exactement, éclatèrent les notes d’un quadrille français, suivi bientôt d’autres danses… Ma plume ne peut suffire à peindre comme il conviendrait le bal qu’improvisa l’extraordinaire amabilité du maître de maison aux cheveux blancs. Comment pourrais-je d’ailleurs, moi, narrateur modeste des aventures — oh curieuses en leur genre — de M. Goliadkine, comment pourrais-je vous exprimer ce mélange remarquable et si convenable de beauté, de brillant, d’usage, de gaîté, d’amabilité et de joie, et tous les petits jeux et ris de toutes ces femmes de fonctionnaires. Elles ressemblent plus à des fées qu’à des femmes, avec leurs épaules de lilas roses, leurs tailles aériennes, et — pour parler le beau style — leurs pieds homéopathiques. Comment enfin vous décrire ces brillants cavaliers-fonctionnaires, ces jeunes gens gais et solides, joyeux et rêveurs, qui dans une petite pièce reculée à tenture verte, fument leur pipe entre deux danses, et les cavaliers qui ne fument pas, les cavaliers qui ont des grades et des noms très sonores, les cavaliers profondément pénétrés du sens de l’élégance, et qui, pour la plupart, parlent en français avec les dames. S’ils parlent russe, ce ne