Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Voilà où la vertu peut conduire l’homme. »

Je ne vous dirai point qu’Anton Autonovitch Siétotchkine, camarade d’André Philippovitch et jadis d’Olsoufi Ivanovitch, vieil ami de la maison et parrain de Clara Olsoufievna, vieillard blanc comme la lune, proposa à son tour un toast, chanta comme un coq, récita des vers très gais.

Ce fut un oubli très convenable des convenances. Toute la société rit aux larmes. Clara Olsoulievna elle-même, sur l’ordre de ses parents, vint l’embrasser pour tant de gaîté et de talent.

Les invités qui, après un tel dîner, se sentaient tous parents et frères se levèrent enfin de table. Les vieux et les gens sérieux causèrent quelque temps avec amitié et même avec intimité. Ils passèrent alors dans l’autre pièce et, sans gaspiller le temps qui vaut de l’or, se divisèrent par groupes, en conservant la notion de leur dignité, et s’assirent devant les tables couvertes de tapis verts. Les dames se sont installées dans le salon, elles sont devenues tout à coup extraordinairement aimables. Elles causent. Le maître de maison lui-même, qui avait perdu au service l’usage de ses jambes et obtenu les compensations que vous savez, vint se promener parmi ses invités appuyé sur ses béquilles et soutenu par Vladimir Séméonovitch et Clara Olsoufievna. De plus en plus aimable, il