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à tout instant regarde à la portière. À voir M. Goliadkine, personne n’eût pensé qu’il se préparait à un bon dîner, tout à fait simple, eu famille, un dîner sans façon, comme on dit entre gens du monde.

M. Goliadkine indique une maison près du pont Ismailovsky. La voilure passe avec bruit sous la porte cochère et s’arrête près du perron. M. Goliadkine remarque un visage de femme à la fenêtre du deuxième étage. De la main il lui envoie un baiser.

Il ne sait pas ce qu’il fait. Il n’est ni mort ni vif. Il sort de la voiture, pâle, égaré, monte le perron, ôte son chapeau, se rajuste machinalement et, avec un petit frémissement dans les genoux, s’élance dans l’escalier.

— Olsoufi Ivanovitch est-il chez lui ? demande-t-il au domestique qui lui ouvre la porte.

— Oui… du moins non, il n’est pas à la maison.

— Comment, que dis-tu mon garçon ? Mais je suis venu pour dîner, mon cher…

Tu me connais bien !

— Oui, je vous connais. On a donné l’ordre de ne pas vous recevoir.

— Tu dois te tromper… me voici… je suis invité, mon cher… je suis invité à dîner, dit M. Goliadkine quittant son pardessus et s’apprêtant à entrer.

— Permettez… ce n’est pas possible… on a