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l’oiseau vole de lui-même vers le chasseur, cela est vrai, je suis prêt à y consentir. Mais qui est le chasseur, et qui est l’oiseau ?… Ça, c’est une autre question, messieurs.

M. Goliadkine eut un silence plein d’éloquence, prit un air très important, souleva les sourcils et pinça les lèvres, puis sortit, ayant salué les deux fonctionnaires qu’il laissa très étonnés.

— Où devons-nous aller ? demanda, sur un ton plutôt sévère, Pétrouchka, qui semblait assez agacé de se traîner dans le froid. Quels sont vos ordres ? répéta-t-il, tandis que M. Goliadkine lançait de foudroyants regards qui, deux fois déjà, avaient dû le sauver et qu’il utilisa pour la troisième fois, en montant sur le marchepied.

— Vers le pont Ismailovsky.

— Au pont Ismailovsky, va !

« Leur dîner ne commencera qu’après quatre heures, peut-être même à cinq, pense M. Goliadkine. N’est-il pas trop tôt ? D’ailleurs je peux arriver un peu en avance. C’est un dîner de famille… je puis agir sans façon, comme on dit entre gens du monde… Pourquoi ne pourrais-je pas agir sans façon ? Notre ours parle bien d’agir sans façon. Eh bien, moi aussi… »

Ainsi pense M. Goliadkine, et pourtant son émotion augmente toujours. Évidemment, il s’attend à une situation pour le moins très embarrassante. Il chuchote, agite la main droite,