Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

change ses grands billets contre des plus petits. Il perd au change, mais son portefeuille a grossi considérablement. Il en éprouve un grand plaisir intérieur. Il s’arrête enfin dans un magasin d’étoffes pour costumes de dames.

Il fait son choix et en retient pour une grosse somme, promet formellement au marchand de revenir, prend le numéro du magasin, et redit au marchand qui réclame des arrhes, qu’elles seront versées à temps.

Il visite encore quelques magasins, fixe les prix, discute parfois très longuement avec les marchands, quitte un magasin et y retourne plusieurs fois, montre une extraordinaire activité. De là, il entre dans un magasin de meubles très connu, y choisit un ameublement de six pièces, admire une toilette de dame, très à la mode, très curieuse et du meilleur goût, promet formellement au marchand de venir chercher le tout et sort du magasin en s’engageant encore à verser des arrhes. Il entre dans un autre et y fait d’autres commandes.

Enfin tout cela commençait à embêter fortement M. Goliadkine lui-même. Et, tout d’un coup, Dieu sait pourquoi, il eut des scrupules de conscience. Pour rien au monde, il n’aurait voulu maintenant rencontrer André Philippovitch ou Christian Ivanovitch.

La pendule de la Tour sonna trois coups… Lorsque M. Goliadkine se fut assis définitive-