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M. Goliadkine avait parlé avec assurance et netteté, il avait pesé ses paroles, et ôtait sur un effet certain. Pourtant il regarde Christian Ivanovitch avec inquiétude, avec une grande inquiétude, avec une extrême inquiétude. Il a changé complètement et c’est avec timidité, et pourtant avec impatience qu’il attend la réponse de Christian Ivanovitch. Mais le voici étonné et désappointé ; Christian Ivanovitch marmotte quelques mots sous son nez, avance une chaise vers la table, et assez sèchement, bien qu’avec politesse, lui dit, ou à peu près, que son temps est très précieux, qu’il ne comprend pas très bien, qu’il est tout à son service, dans la mesure de ses forces et de son pouvoir, mais qu’il ne peut nullement s’occuper de ce qui n’a pas trait à la médecine. Il prend la plume, approche le papier, en coupe un petit morceau aux dimensions d’une ordonnance, et avertit M. Goliadkine qu’il va mettre par écrit le remède qui lui convient.

— Non, il ne faut pas, Christian Ivanovitch. Cela il ne faut pas… pas du tout… s’écrie M. Goliadkine, qui se lève et saisit Christian Ivanovitch par la main droite… Il ne faut pas… Et, tandis qu’il parle, une transformation étrange s’opère chez M. Goliadkine. Ses yeux gris brillent bizarrement ; ses lèvres tremblent ; les muscles et les traits de son visage s’agitent… M. Goliadkine tremble. Il suit son pre-