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affaires. Il n’a pas préparé la première phrase, qui lui est toujours, en pareil cas, un véritable, obstacle. Il devient très confus ; il marmotte quelques paroles, probablement une excuse, et ne sachant que dire ensuite, prend une chaise et s’assied. Mais il s’aperçoit qu’il s’est assis sans y être invité : il sent son inconvenance et pour réparer sa faute contre les usages du monde, il se lève brusquement… Il se ressaisit, sent vaguement qu’il a commis deux sottises d’un coup… il ne perd pas de temps… il accomplit la troisième : il essaye de s’excuser, marmotte quelques phrases en souriant, rougit, se trouble, ne parle plus, prend un air grave, se rassied définitivement et se rassure en lançant ce regard provoquant, dont l’effet magique est, dans sa pensée, de réduire en poussière tous ses ennemis. Ce regard signifie aussi l’indépendance de M. Goliadkine ; il dit nettement que M. Goliadkine n’a rien d’extraordinaire, qu’il est comme tout le monde.

Christian Ivanovitch toussota, évidemment en signe d’approbation, et fixa un regard inquisiteur sur M. Goliadkine.

— Christian Ivanovitch, commença M. Goliadkine avec un sourire, je viens vous déranger pour la seconde fois et, pour la seconde fois, je vous demande votre indulgence…

Evidemment M. Goliadkine ne trouvait pas ses mots.