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était trop tard… Son baiser sonore et perfide avait retenti et…… Un fait inattendu survint…

La porte du salon s’ouvrit largement et sur le seuil parut un homme dont la seule vue glaça M. Goliadkine. Les pieds de M. Goliadkine se rivèrent au sol. Un cri s’étrangla dans sa poitrine serrée… D’ailleurs n’avait-il pas tout prévu, n’avait-il pas pressenti ?… Le nouveau venu s’approcha gravement et majestueusement de M. Goliadkine… M. Goliadkine le connaissait très bien… Il l’avait vu déjà, très souvent… le jour même…

L’étranger, grand et fort, était en habit, il avait au cou une croix considérable ; ses favoris étaient très épais et très noirs. Il ne lui manquait qu’une cigarette aux lèvres pour que la ressemblance fût complète.

Son regard glaça d’effroi M. Goliadkine. D’un air grave et triomphant, le redoutable étranger s’approcha du pauvre M. Goliadkine… …M. Goliadkine lui tendit la main. L’étranger la prit dans la sienne et entraîna derrière lui M. Goliadkine, qui le regardait avec des yeux tout ensemble égarés et mornes.

— C’est… c’est Christian Ivanovitch Routenschpitz, docteur en médecine et en chirurgie, une vieille connaissance à vous, Iakov Pétrovitch, fit une voix d’oiseau à l’oreille même de M. Goliadkine qui se retourna. C’était son jumeau, l’homme infâme, au cœur vil. Son visage brillait