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sentiment… Lorsqu’il revint à lui il constata qu’il circulait au milieu d’un large cercle de convives. Tout à coup on appela de la pièce voisine : M. Goliadkine ! Ce fut un cri soudain qui passa sur les groupes. Tout le monde s’agita bruyamment, on se hâta vers les portes du premier salon, on y porta presque M. Goliadkine. Le conseiller à la perruque et au cœur impitoyable était à côté de M. Goliadkine. Le conseiller lui prit la main, le fit asseoir à ses côtés, en face mais à distance respectueuse du fauteuil d’Olsoufi Ivanovitch. Les convives formèrent un cercle à plusieurs rangs et s’assirent autour de M. Goliadkine et d’Olsoufi Ivanovitch. Ils se turent et s’apaisèrent. Le silence était grave. On regardait Olsoufi Ivanovitch, on semblait attendre un événement extraordinaire. M. Goliadkine remarqua que l’autre M. Goliadkine et André Philippovitch s’étaient placés aux côtés du fauteuil d’Olsoufi Ivanovitch, en face du conseiller… Le silence se prolongeait… C’était l’attente…

« C’est ainsi dans les familles, quand un parent doit partir pour un lointain voyage… il n’y aurait plus maintenant qu’à se lever et à prier… », pensa M. Goliadkine.

Ses réflexions furent interrompues par l’agitation soudaine des invités. Mais personne ne semblait surpris. « Il arrive… il arrive », disait-on… « Qui donc arrive ? » se demanda M. Goliad-