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Il la secoua d’un air de gravité triste mais bienveillante aussi. Du moins M. Goliadkine le crut-il ainsi. Il lui sembla même qu’une larme avait brillé dans les yeux ternes d’Olsoufi Ivanovitch. Aux cils de Clara Olsoufievna, une larme semblait aussi briller. Une larme aussi dans les yeux de Vladimir Séméonovitch. Il lui parut que l’imperturbable dignité d’André Philippovitch provoquait jusqu’aux larmes l’émotion générale, que le jeune homme sanglotait amèrement toutes les larmes de son corps… Ou n’était-ce qu’une illusion dont M. Goliadkine fut la dupe, parce que lui-même avait fondu en larmes ? Il sentait chaque larme brûlante couler le long de ses joues froides. Il se réconcilia avec les hommes et la destinée. Son amour alla non seulement vers Olsoufi Ivanovitch et tous ses invités, mais aussi vers le jumeau malfaisant, qui ne lui paraissait plus malfaisant ni même jumeau, mais un étranger fort aimable. Au milieu de ses sanglots, dans l’épanchement touchant de son cœur, il voulut parler à Olsoufi Ivanovitch, mais le trop plein de ses sentiments l’empêcha de dire un mot. Il ne put que désigner son cœur, silencieusement, d’un geste éloquent. Enfin, désireux sans doute d’épargner la sensibilité d’un vieillard aux cheveux blancs, André Philippovitch amena M. Goliadkine un peu à l’écart et sembla d’ailleurs lui laisser toute liberté. Souriant, un murmure aux lèvres, un peu