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dait. Impossible de fuir, on aurait pu le voir… M. Goliadkine dans son effroi se serra le plus fortement qu’il put contre le tas de bois et seulement alors il remarqua que l’ombre l’avait trahi, elle aussi, qu’elle ne le couvrait pas entièrement. De grand cœur il eût consenti à se fourrer entre les bûches, dans quelque trou de souris, et à s’y tenir bien tranquille. Mais hélas ! cela n’était pas possible… C’était une agonie ! Alors résolument il regarda à toutes les fenêtres à la fois ; cela valait mieux… Tout à coup la confusion le pénétra comme une brûlure. On l’avait parfaitement reconnu, tous ensemble l’avaient reconnu, tous ensemble lui faisaient signe de la tête, de la main. Tous l’appelaient. Des vasistas claquèrent et s’ouvrirent. Des voix différentes l’interpellèrent à la fois… « Je m’étonne qu’on ne fouette pas ces fillettes dès l’enfance », se murmura M. Goliadkine éperdu. Quelqu’un descendit le perron en courant. C’était lui — on n’en pouvait douter — lui en uniforme, tête nue, haletant, empressé, sautillant à petits pas. Traîtreusement il témoigna d’une grande joie à voir enfin M. Goliadkine.

— Iakov Pétrovitch, gazouilla l’être vain, Iakov Pétrovitch, êtes-vous là ? Vous allez vous enrhumer. Il fait froid ici, Iakov Pétrovitch. Entrez donc.

— Iakov Pétrovitch, non, monsieur, cela ne