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— Je viens tout de suite, mon ami, vois-tu, mon ami… un instant encore… vois-tu mon ami, je ne reste qu’un instant ici, vois-tu, mon ami…

— Est-ce que vous allez toujours rester là ? dit enfin le cocher qui, d’un air décidé, s’approcha tout à fait de M. Goliadkine.

— Non, mon ami, je viens tout de suite. Voisin, mon ami, j’attends.

— Ah ! oui.

— Vois tu, mon ami… de quel village es-tu, mon brave ?

— Je suis serf.

— Tes seigneurs sont-ils bons ?

— Pourquoi pas ?

— Oui, mon ami, attends donc, mon ami, vois-tu, mon ami… y a-t-il longtemps que tu es à Pétersbourg ?

— Une année, à peu près.

— Y es-tu bien ?

— Pourquoi pas…

— Oui, mon ami, oui remercie la Providence, mon ami, il faut rechercher les braves gens, mon ami. Les braves gens sont rares aujourd’hui, mon ami. Mais le brave homme te lavera, te donnera à boire et à manger, mon cher. Bien souvent, vois-tu, on verse des larmes malgré la richesse. Tu en vois un triste exemple. Voilà, mon brave.

Le cocher parut avoir pitié de M. Goliadkine.