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votre émigrée, chez votre Mme Falbalas, qui vous a appris de fameux principes dont vous êtes vous-même un malheureux exemple. Les bons principes, madame, c’est de rester à la maison, de respecter son père et de ne pas songer trop tôt aux amoureux. Les amoureux, madame, viendront en temps voulu. Voilà. J’accorde, bien volontiers, qu’il faut posséder plusieurs talents. Il faut jouer du piano, savoir le français, l’histoire, la géographie, le catéchisme et l’arithmétique, voilà, mais rien de plus. Ah, pourtant si, la cuisine. Une demoiselle bien élevée doit aussi connaître la cuisine. Mais vous, d’abord, ma chère belle, très honorée madame, on ne vous laissera pas faire, on vous poursuivra, et puis on vous enfermera dans un couvent, et alors, ma chère dame, que ferai-je de moi ? M’obligerez-vous, chère madame, à venir sur la colline voisine ainsi que dans les romans idiots, à fondre en larmes en regardant la froide muraille de votre cachot de réclusion, et à mourir enfin, selon le mode de ces vilains poètes et romanciers allemands. Est-ce cela, madame ? D’abord, permettez-moi de vous le dire en toute amitié, on n’agit pas ainsi.

« Ensuite, vous mériteriez d’être fouettée et vos parents aussi, pour avoir lu les livres français. Car les livres français n’enseignent rien de bon, ils recèlent du poison, un poison mortel, ma chère dame. Où pensez-vous, permettez-moi