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— Moi ? mon ami,… rien… moi, mon ami bientôt, bientôt… bientôt. Attends.

Le cocher partit en murmurant.

« Qu’est-ce qu’il a à murmurer ? pensait M. Goliadkine, à travers ses larmes. Je l’ai loué pour toute la soirée, je suis… dans mon droit, voyons. Je l’ai loué pour toute la soirée, voilà tout. Il n’a qu’à attendre ; ça revient au même. Tout dépend de ma volonté. Je suis libre de partir et libre aussi de rester. Si je me tiens derrière un tas de bois, c’est mon affaire. Il n’a rien à me dire. Si un monsieur veut se tenir derrière un tas de bois, il peut parfaitement s’y tenir, il ne fait de tort à personne. Voilà… Voilà, madame, si vous voulez le savoir. Mais, madame, lui dirai-je, voilà, personne ne veut habiter une cabane de nos jours, voilà. Et dans notre siècle industriel, ma chère dame, on ne peut pas vivre sans bons principes. Vous en êtes vous-même un malheureux exemple. Oui, dira-t-elle, il faudrait être chef de bureau et habiter une cabane au bord de la mer. Premièrement, ma chère dame, Il n’y a pas de chefs de bureau au bord de la mer. Et puis il y a loin de moi à un chef de bureau. Supposons, n’est-ce pas, que je fasse ma demande. Je me présente. J’arrive, je dis : je veux être chef de bureau. Je dis aussi… défendez-moi de mon ennemi. On vous dira, madame, on vous dira à vous : Il y a beaucoup de chefs de bureau, et vous n’êtes pas ici chef