Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en des circonstances tout à fait analogues y faisait à Alfred le signe convenu, en attachant un ruban rose à la fenêtre. Mais dans la nuit, et avec le climat de Saint-Pétersbourg, bien connu pour son humidité et ses variations, on ne pouvait se servir d’un ruban rose, c’était impossible.

« Ce n’est plus le temps des échelles de soie, pensa M. Goliadkine. Je vais m’installer sans bruit. Je vais me mettre là, par exemple. »

M. Goliadkine avait choisi sa place dans la cour, juste en face des fenêtres, près d’un tas de bois coupé. Sans doute il y avait beaucoup de gens dans la cour : des postillons, des cochers. On entendait le bruit des roues, le hennissement des chevaux. Malgré tout, l’endroit, était commode. À bien prendre il avait l’avantage d’être dans l’ombre. On n’y pouvait voir M. Goliadkine et lui pouvait tout voir. Les fenêtres étaient illuminées.

Olsoufi Ivanovitch avait réuni des amis. Mais on n’entendait pas de musique. « Alors ce n’est pas un bal, c’est une autre réunion », pensa M. Goliadkine à demi défaillant. « Mais est-ce bien pour aujourd’hui ? N’y a-t-il pas erreur de date ? Cela serait possible, tout est possible. Cela serait aussi possible que n’importe quoi. Il est possible que la lettre m’ait été écrite hier, qu’elle ne me soit pas parvenue. Et cela parce que ce coquin de Pétrouchka aurait lambiné. Ou bien, elle aura été écrite demain…