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Au milieu de la porte que M. Goliadkine avait pris pour une glace, comme une autre fois déjà, apparut, lui, l’intime connaissance, l’ami de M. Goliadkine. M. Goliadkine cadet venait de la petite pièce voisine où il avait écrit. Des papiers sous le bras, il se présenta devant Son Excellence et s’insinua très habilement dans la conversation. Il se plaça un peu en arrière d’André Philippovitch et s’abrita derrière l’inconnu qui fumait un cigare. Il paraissait s’intéresser vivement à la conversation, hochait la tête, remuait les pieds, souriait, regardait Son Excellence d’un air suppliant, pour qu’on lui permit aussi de placer un mot.

« Le lâche », pensa M. Goliadkine qui fit un pas en avant. Alors Son Excellence se retourna et s’approcha en personne de M. Goliadkine.

— C’est bien, c’est bien. Vous pouvez vous retirer. J’examinerai votre affaire. Je vais vous faire reconduire.

Il regarda l’inconnu aux favoris qui, de la tête, fit un signe affirmatif.

M. Goliadkine eut la sensation très nette qu’on ne le jugeait pas tel qu’il était. Il pensa : « Enfin voici, il faut que je m’explique. Enfin, voici… Votre Excellence. »

Ayant baissé les yeux, il vit à son grand étonnement une tache blanche sur les chaussures de Son Excellence. « Est-ce que ses chaussures se seraient déchirées ? » pensa-t il. Il s’aperçut