Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est bien connu.

— Mais qu’est-ce qui est connu ?

M. Goliadkine se tut. Son menton commençait à trembler.

— Eh bien, voyons ?

— Je pensais qu’il serait chevaleresque… Je considère mon chef comme un père. Enfin… voici. Protégez-moi. Je vous en sup… supplie en… pleu… rant. C’est un bon mouvement… qui doit… être… en… en… coura… gé…

Son Excellence détourna la tête. Pendant quelques secondes, M. Goliadkine n’y vit plus rien. Sa poitrine s’oppressait. La respiration lui manquait. Il ne savait plus où il était. Tristesse et honte. Dieu sait ce qui se passa ensuite. Lorsqu’il eut repris notion, M. Goliadkine remarqua que Son Excellence causait avec ses invités et discutait à haute voix.

M. Goliadkine reconnut immédiatement l’un d’eux, c’était André Philippovitch. Mais il ne se remettait pas l’autre. Pourtant son visage ne lui était pas inconnu. C’était un homme d’un certain âge, fort et de haute taille, avec des sourcils et des favoris épais, un regard dur et expressif. Il portait une décoration au cou ; un cigare était dans sa bouche. Il fumait et hochait gravement la tête, en regardant parfois M. Goliadkine. M. Goliadkine se sentit gêné et dirigea ses yeux d’un autre côté. Il aperçut alors un hôte inattendu.