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suis un fonctionnaire.je pense perdre ma place, mademoiselle ; on peut me traîner devant les tribunaux, mademoiselle. Comprenez, ce sont là les manigances de l’Allemande, on m’a calomnié à l’instigation d’André Philippovitch. Sinon pourquoi Pétrouchka s’en serait-il mêlé ? En quoi ça le regardait-il ? Non, mademoiselle, je ne peux pas, je ne peux pas. Veuillez me pardonner, je vous prie. Vous êtes responsable de tout et non la sorcière allemande. La sorcière est une brave femme. Mais vous, vous êtes cause de tout. Voilà. C’est vous qui m’avez fait du tort, et sans cela, ne suis-je pas déjà perdu quand même ? Je ne sais que devenir. Puis-je penser au mariage ? Comment tout finira-t-il, comment tout s’arrangera-t-il ? Je payerais cher pour le savoir. »

Ainsi, dans sa détresse, raisonnait M. Goliadkine. Il s’aperçut enfin qu’il était dans la rue Litéinaïa. Le temps était affreux. C’était dégel, comme par la nuit inoubliable, à l’heure néfaste de minuit où commencèrent tous ses malheurs. On ne peut penser à un voyage, se disait M. Goliadkine en observant le vilain temps. « C’est la fin de tout ! Seigneur Dieu, où trouverai-je une voiture ? Il y a un point noir là-bas. Allons voir, Seigneur Dieu ! » Et M. Goliadkine dirigea ses pas faibles et chancelants du côté où il avait cru voir une voiture. « Non, voilà ce que je vais faire. J’irai là-bas, je me jetterai à ses