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imposteur, un homme dangereux pour la patrie. Vous comprenez, vous comprenez, monsieur, et voilà. Mais non, je radote, je suis un imbécile. Où irai-je ? que vais-je faire de moi ? À quoi suis-je bon, maintenant ? À quoi es-tu bon, Goliadkine indigne, à quoi donc ? Il faut que je prenne une voiture, une voiture, pour qu’elle ne mouille pas ses petits pieds. Qui aurait pensé ! En voilà une demoiselle qui se conduit bien ! Vous en faites de belles, mademoiselle, il n’y a pas à dire. Mais c’est le résultat d’une éducation immorale. A bien réfléchir, la cause première, c’est l’immoralité. Dès l’enfance, au lieu de la punir, on la bourrait de bonbons, de toutes sortes de douceurs. Et ce vieux qui pleurniche toujours : Ma toute belle, ma chérie, je te marierai avec un comte. Au lieu de la garder à la maison, on l’a mise en pension chez cette belle madame française, une émigrée, une Mme Falbalas quelconque, et voilà. Amenez une voiture devant ses fenêtres et chantez-lui une romance espagnole. Je vous attends et je sais que vous m’aimez ! Nous allons fuir ensemble et vivre dans une chaumière… Mais, sachez, mademoiselle, que cela est défendu. Il est interdit par les lois d’enlever de la maison paternelle une honnête et innocente jeune fille, contre le gré de ses parents. Et pourquoi, enfin ? Quelle nécessité ? Elle n’a qu’à se marier avec celui que la destinée lui envoie, voilà tout. Moi, je