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quelle il se tenait. Elle n’avait point été desservie. Elle supportait des assiettes, une serviette salle, un couteau une fourchette et une cuillère.

« Qui a dîné là ? se demanda-t-il. Est-ce moi ? Tout est possible. J’aurais pu manger sans m’en apercevoir. Que faire maintenant ? »

Levant les yeux, il aperçut à côté de lui le garçon qui semblait vouloir lui parler.

— Combien vous dois-je ? demanda-t-il d’une voix hésitante.

Un rire bruyant retentit autour de lui. Le garçon lui-même sourit. M. Goliadkine comprit qu’il venait de dire une colossale bêtise. Il chercha son mouchoir pour se donner une contenance. Mais quelle surprise pour tous et pour lui-même : ce n’est pas un mouchoir qu’il retira de sa poche, mais un flacon qui contenait un médicament ordonné quatre jours auparavant par Christian Ivanovitch. « Les médicaments sortent de la même pharmacie ! » Cette phrase passa par la tête de M. Goliadkine. Tout à coup il tressaillit et faillit crier de terreur.

… Un liquide répugnant, rouge-sombre, brilla d’une lueur sinistre devant les yeux de M. Goliadkine. Le flacon tomba de ses mains et se brisa. Il poussa un cri et recula de deux pas. Le liquide s’était répandu à terre. Il trembla de tous ses membres et une sueur froide perlait à ses tempes et à son front. « Ma vie est en dan-