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dinairement, faut-il faire comme si de rien n’était ?.. Mais oui, ce n’est pas moi, pas moi, et c’est tout…

M. Goliadkine se fait voir à M. André Philippovitch, sans le quitter des yeux.

— Hé monsieur, chuchote-t-il, ce n’est pas du tout moi… André Philippovitch, ce n’est pas moi, pas moi…

Bientôt le landau dépasse la voiture et le regard magnétique du chef a disparu… Pourtant M. Goliadkine est rouge encore, il marmotte…

« Imbécile que je suis de n’avoir pas répondu, pense-t-il tout confus. Il fallait être simple, montrer cette hardiesse et cette franchise qui sont encore de la noblesse… Voilà André Philippovitch, je suis invité à dîner, moi aussi ; c’était tout simple. »

M. Goliadkine pense qu’il vient de faire une gaffe. Il s’enflamme, fronce les sourcils, jette des regards terribles et provocants à l’avant de la voiture, afin de réduire en cendres tous ses ennemis… Une subite inspiration… il tire le cordon attaché au coude du cocher, arrête la voiture et donne l’ordre de retourner rue Liteinaïa. Il fallait sans doute que, pour sa tranquillité personnelle, M. Goliadkine parlât immédiatement à son médecin Christian Ivanovitch. Il le connaissait depuis très peu de temps ; il l’avait vu la semaine précédente pour une con-