trer sous le manteau de M. Goliadkine. On n’y voyait goutte. Il était impossible de reconnaître les rues par lesquelles galopait le cheval. Il sembla à M. Goliadkine qu’il avait déjà vécu cette heure. Il tenta de se rappeler s’il n’avait rien pressenti de semblable la veille, dans son rêve par exemple. Son angoisse valait une agonie. Il se serra avec force contre son adversaire et voulut crier. Mais les cris expirèrent sur ses lèvres… Un instant M. Goliadkine oublia tout, décréta que son aventure n’était pas réelle, qu’elle était inexplicable, qu’il serait inutile de protester… Il en était à cette conclusion, lorsqu’un cahot malencontreux la vint modifier, M. Goliadkine, tel un sac de farine, tomba de la voiture, roula et, tandis qu’il roulait, se confessa à lui-même qu’il s’était emporté bien mai à propos. Il se releva. La voiture s’était arrêtée au milieu d’une cour, et M. Goliadkine reconnut immédiatement la porte de la maison d’Olsoufi Ivanovitch. Il aperçut en même temps son ami qui se dirigeait vers le perron et sans doute allait chez Olsoufi Ivanovitch. Angoissé, il allait s’élancer, mais pour son bonheur il se ressaisit à temps. Sans oublier de régler le cocher, M. Goliadkine se précipita dans la rue, droit devant lui. La neige tombait toujours par flocons. Il faisait toujours noir et humide. M. Goliadkine ne marchait pas. Il volait, renversant tout sur son passage : hommes, femmes et
Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/207
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.