Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contraire, interprétez-la amicalement, attribuez à tous les mots une valeur opposée, j’étais dans l’égarement. Pardonnez-moi, Iakov Pétrovitch, j’étais dans le plus cruel des égarements, Iakov Pétrovitch…

— Vous dites ? demanda le perplexe ennemi d’un air indifférent et distrait.

— Je dis que j’étais égaré complètement, Iakov Pétrovitch, et que la moindre fausse honte…

— Ah bien, très bien, vous étiez dans l’erreur, répondit grossièrement M. Goliadkine cadet.

— Je pensais même, Iakov Pétrovitch, ajouta notre héros avec une noble franchise, sans s’apercevoir de la terrible perfidie de son faux ami, je me disais même : « Voilà deux hommes tout à fait semblables qui ont été créés… »

— Ah ! c’était votre idée ?

L’instable M. Goliadkine cadet se leva et prit son chapeau. M. Goliadkine aîné ne vit pas la duperie et se leva aussi, sourit à son faux ami avec une franche bonhomie et pensait, dans son innocence, l’encourager à être bon pour lui et à lui rendre son amitié.

— Adieu, Votre Excellence ! s’écria tout à coup M. Goliadkine cadet.

M. Goliadkine aîné tressaillit en apercevant la physionomie peu rassurante de son ennemi.

Pour se débarrasser de lui, il mit dans sa main déloyale deux doigts de la sienne, mais alors…