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M. Goliadkine, ni de la mienne. Il n’y a pas de ma faute en tout cela, Iakov Pétrovitch, c’est mon cœur qui me le dit. Accusons la destinée, dit M. Goliadkine du ton le plus conciliant.

Sa voix peu à peu s’affaiblissait. Il tremblait.

— Voyons comment va votre santé ? fit l’insaisissable d’une voix mielleuse.

— Je toussote un peu, répondit M. Goliadkine, plus doucement encore.

— Prenez garde, il y a pas mal d’épidémies. Il est facile d’attraper une angine, et je commence déjà, je vous l’avoue, à porter de la flanelle.

— En effet, Iakov Pétrovitch, une angine s’attrape facilement… Iakov Pétrovitch…

Il y eut un court silence.

— Iakov Pétrovitch, je vois que j’étais dans l’erreur… je me rappelle avec émotion les minutes heureuses que nous avons passées sous mon toit modeste, mais hospitalier.

— Ce n’est pas ce que vous avez écrit dans votre lettre, fit M. Goliadkine cadet, qui pour une fois disait la vérité.

— Iakov Pétrovitch, j’étais dans l’erreur. Je le vois clairement aujourd’hui. Je m’abusais quand j’écrivais ma lettre. Iakov Pétrovitch, je n’ose pas vous regarder…croyez-moi… donnez-moi cette lettre, que je la détruise devant vous, Iakov Pétrovitch. Et si vous ne voulez pas, donnez-lui, je vous en supplie, un sens tout à fait