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M. Goliadkine se rencogna et ne répondit pas.

— Quels vauriens… Il raisonna : — Qu’y a-t-il là d’étonnant ? Un homme en voiture… Un homme a besoin d’aller en voiture… il prend une voiture… Ce sont des vauriens, simplement… Je les connais… Ce sont des gamins qu’il faudrait encore fouetter. Je leur aurais bien dit quelque chose, mais…

M. Goliadkine n’acheva pas… il s’arrêta, pétrifié. Une voiture attelée d’une belle paire de chevaux qu’il connaissait fort bien, dépassa rapidement la sienne, sur la droite. Le monsieur qui était assis dans le landau aperçut par hasard le visage de M. Goliadkine, qui montrait imprudemment sa tête à la portière. Il parut très étonné de cette rencontre inattendue, s’inclina aussi bas que possible, et, d’un air curieux et intéressé, regarda le coin de la voiture où s’était tapi à la hâte M. Goliadkine. Le monsieur du landau était André Philippovitch, chef de section dans l’administration où M. Goliadkine était l’adjoint de son chef de bureau. M. Goliadkine se voit reconnu par André Philippovitch, qui le regarde les yeux large ouverts ; il ne peut se cacher ; il rougit jusqu’aux oreilles.

Faut-il saluer ou non ? Faut-il répondre au salut ou non ? Avouer ou ne pas avouer, se demande M. Goliadkine, indiciblement angoissé. Faut-il faire semblant que ce n’est pas moi, mais quelqu’un qui me ressemble extraor-