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M. Goliadkine cadet, monsieur j’espère que vous…

— Non, je vous en prie, n’espérez rien. Telle fut l’évasive réponse de son impitoyable ennemi, qui un pied sur le marchepied, s’efforçait d’engager son autre pied dans la voiture et de garder son équilibre tout en agitant sa jambe. En même temps il tirait de toutes ses forces son manteau, que M. Goliadkine aîné retenait de toute la crispation de ses mains.

— Iakov Pétrovitch, dix minutes seulement.

— Pardon, je suis pressé.

— Convenez, Iakov Pétrovitch… je vous en prie, Iakov Pétrovitch. Au nom de Dieu, Iakov Pétrovitch. Voyons… voici… Il faut que nous nous expliquions en braves gens. Une petite seconde, Iakov Pétrovitch.

— Mon cher, je n’ai pas le temps, répondit avec une familiarité irrespectueuse, mais avec un air de bonhomie, le faux M. Goliadkine. Un autre jour, croyez-moi, de bon cœur, sur mon âme, mais à présent c’est impossible.

« Lâche », pensa M. Goliadkine.

— Iakov Pétrovitch ! cria-t-il avec angoisse. Je n’ai jamais été votre ennemi… De méchantes gens m’ont calomnié. Moi, je suis disposé… Iakov Pétrovitch… voulez-vous que nous entrions dans ce café… et là… à cœur ouvert, comme vous avez dit si justement, avec des paroles franches, tout s’expliquera de soi-même. Un bon mou-