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CHAPITRE XI

La respiration de M. Goliadkine était entrecoupée. Il volait comme avec des ailes vers son ennemi qui s’éloignait rapidement. Il sentait en lui une énergie effroyable. Malgré cette énergie M. Goliadkine avait la notion bizarre qu’un simple moucheron — s’il y avait eu des moucherons à Saint-Pétersbourg en pareille saison — l’eût brisé en deux d’un contact de son aile. Il était fourbu, anéanti. Une force étrangère le poussait en avant, car il n’avait plus la force de marcher et ses pieds se dérobaient sous lui. « D’ailleurs tout cela pourrait s’arranger au mieux… Au mieux ou au pire », pensait M. Goliadkine que suffoquait la rapidité de sa course. « Mais tout est perdu irrémédiablement. Plus de doute à présent, je suis perdu complètement. C’est certain, déterminé, décidé. C’est signé. » Pourtant M. Goliadkine parut ressusciter, comme s’il avait gagné la victoire dans une grande bataille, lorsqu’il put s’accrocher au manteau de son ennemi, qui déjà montait dans une voiture.

— Monsieur, monsieur, cria-t-il à l’odieux