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liadkine cadet s’est aperçu de son erreur, il a reconnu l’homme qu’il persécute et qu’il trompe traîtreusement. Sans pudeur, sans la moindre compassion, il retire subitement avec une brutale insolence sa main, de la main de M. Goliadkine aîné, puis il secoue cette main comme s’il l’avait salie d’un contact immonde. Il crache de côté d’un geste insultant, il sort son mouchoir et s’en essuie cette main qui, un instant, resta dans celle de M. Goliadkine aîné.

M. Goliadkine cadet, selon sa lâche habitude, regardait intentionnellement, autour de lui, chacun dans les yeux, afin qu’on approuvât son attitude et qu’on méprisât M. Goliadkine. Il semblait avoir provoqué l’indignation générale, et même les jeunes gens les plus écervelés montrèrent leur mécontentement. La désapprobation atteignait au tumulte. Déjà M. Goliadkine aîné se réjouissait, mais tout à coup une petite plaisanterie lancée à propos par les lèvres de M. Goliadkine jeune, brise, anéantit les dernières espérances de notre héros, et penche à nouveau la balance du côté de son mortel ennemi.

« C’est notre Faublas russe, monsieur, permettez-moi de vous présenter le jeune Faublas », fit M. Goliadkine cadet d’une voix grêle avec son habituelle insolence. Il se démenait au milieu des employés, leur montrait le vrai M. Goliadkine tout pétrifié. « Embrassons-nous bien », continua-t-il avec une insupportable fa-