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« Voilà sa dernière manière », pensa notre héros.

M. Goliadkine jeune prit dans la voiture la serviette verte et d’autres papiers, donna un ordre au cocher et, en ouvrant la porte d’entrée, poussa M. Goliadkine aîné qu’il affecta de ne pas voir, puis il monta vivement l’escalier.

« Mauvais signe, pensa M. Goliadkine, mon affaire ne va pas. Ah mon Dieu ! » Il resta quelques secondes immobile. Enfin il se décida, ne s’attardant plus à réfléchir. Avec des palpitations au cœur et un tremblement dans les membres, il courut après l’ami. « Ah tant pis, qu’ai-je à craindre ! ça ne me regarde pas », pensa-t-il, tandis qu’il ôtait dans l’antichambre son chapeau, son manteau et ses galoches.

Lorsqu’il entra dans sa division, le crépuscule commençait. Ni André Philippovitch, ni Anton Antonovitch n’étaient là. Tous deux faisaient leur rapport au directeur, qui, disait-on, était pressé et devait aller chez Son Excellence.

Les chefs n’étaient plus là. Il commençait à faire sombre. L’heure réglementaire du service était terminée ; aussi plusieurs des employés, surtout des jeunes, ne faisaient plus rien, causaient et plaisantaient par groupes. Même, les jeunes d’entre les jeunes avaient organisé un jeu de pile ou face dans un coin près de la fenêtre.

M. Goliadkine était un homme bien élevé, de plus il ne voulait négliger aucun renseignement,