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quel pied il vit maintenant, ce qu’il est. Mais pourquoi ont-ils pris Ivan Séméonovitch ? Qu’avaient-ils besoin de lui ? comme s’ils n’en avaient pu trouver un autre. Au reste lui ou un autre… ! En tout cas il y avait longtemps déjà qu’Ivan Séméonovitch me semblait suspect ; depuis longtemps je l’observais. C’est un vilain vieux singe. On dit qu’il prête à la petite semaine et prend de gros intérêts. Mais c’est l’ours qui dirige tout. L’ours a trempé dans toute l’affaire. Voilà comment l’affaire a commencé. Elle a commencé auprès du pont Ismailovsky. Voilà comment elle a commencé… » Ici M. Goliadkine fit une grimace comme s’il venait de mordre à l’écorce d’un citron. Sans doute il avait un souvenir désagréable. Il pensa : « Mais ça n’a pas d’importance, je ne me préoccupe que de mes affaires. Pourquoi Ostaffiev ne revient-il pas ? Il s’est attardé, on l’a retenu. Il est bon que je dirige l’intrigue à mon tour, et que je creuse le piège. Je n’ai qu’à donner les dix kopeks à Ostaffiev et… il sera pour moi. Mais est-il vraiment de mon côté ? Peut-être qu’ils lui ont aussi donné et que de leur côté ils intriguent avec lui ! Il a l’air d’un bandit, la canaille, d’un vrai bandit. Il cache son jeu de filou avec ses : « il n’y a rien » et ses « je vous remercie, Votre Noblesse. » Quel bandit ! »

On entendit des pas. M. Goliadkine se cacha vite derrière le poêle. Quelqu’un venait de des-