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Notre héros se frotta énergiquement les mains lorsqu’il eut terminé son billet, puis il enfila son manteau, mit son chapeau, ouvrit la porte de son logement et alla jusqu’à son bureau, mais il ne se décidait point à y entrer car il était déjà trop tard. Sa montre marquait deux heures et demie. Un détail, en apparence insignifiant, résolut ses doutes. Tournant le coin du bâtiment administratif, un petit homme apparut tout à coup, essoufflé et rougeaud, qui se faufila sur le perron, puis dans le vestibule. C’était le greffier Ostaffiev. M. Goliadkine le connaissait bien. C’était un homme utile et prêt à tout pour dix kopeks. M. Goliadkine connaissait la corde sensible d’Ostaffiev. Il pensa que son absence et l’importance de l’événement avaient augmenté encore chez le greffier l’amour des kopeks. Il décida de ne pas les ménager, et se faufila, lui aussi, sur le perron, puis dans l’antichambre. Il l’interpella alors, et l’appela d’un air mystérieux, dans un coin retiré, derrière un grand poêle de fer. Il se mit à le questionner.

— Voyons, mon ami… que se passe-t-il là-bas… tu me comprends ?…

— Je vous écoute, Votre Noblesse. Je souhaite une bonne santé à Votre Noblesse.

— C’est bien, mon ami, c’est bien. Je saurai te remercier, sais-tu, mon cher ami. Allons voyons, mon ami.