Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Goliadkine ne négligeait aucun des invités les plus insignifiants.

Il recherchait les faveurs de chacun. Il s’approchait de son allure doucereuse, débitait selon sa coutume des fadeurs et des douceurs. Chacun humait l’encens qu’il brûlait et, ému jusqu’aux larmes, poussait des hoquets de satisfaction. C’était instantané. La présence de cet homme suspect et vain, agissait avec une rapidité surprenante. À peine avait-il pris le temps de complimenter l’un et de gagner sa bienveillance, qu’il se précipitait vers l’autre, le comblait de ses mystérieuses amabilités et recueillait un autre gracieux sourire. Mais le voici qui esquisse un pas de son pied gros et court et se précipite vers un troisième, lui parle de son ton doucereux. On n’a pas le temps d’ouvrir la bouche et de s étonner, déjà il est auprès d’un quatrième. C’est à faire peur, c’est de la sorcellerie. Tous sont heureux de sa présence. Tous l’aiment, tous le glorifient, tous chantent en chœur que son amabilité et son esprit piquant surpassent de beaucoup l’amabilité et l’esprit du vrai M. Goliadkine. Quant au vrai, à l’innocent M. Goliadkine, on lui fait honte, on le renie, on le chasse, on le poursuit, le bon. le vrai M. Goliadkine, bien connu pour l’amour de son prochain…

D’angoisse, de terreur, de colère le pauvre M. Goliadkine s’élance dans la rue. Il veut louer