Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affreuse et la neige tombait à gros flocons. Mais pour M. Goliadkine, en ce moment, il n’y avait plus d’obstacles. Il était mouillé et crotté, sans doute mais… « le but serait atteint ». En effet M. Goliadkine était près du but. Déjà il apercevait la masse noire d’un grand bâtiment d’État… « Attendons, pensa-t-il… Y vais-je… ? Qu’y ferai-je ?… J’apprendrai où il habite ?… Mais Pétrouchka doit être rentré… Il a la réponse… Je perds un temps précieux… Et ce n’est rien… tout peut s’arranger… Si pourtant j’allais voir Vakhrameiev… Non… Après… Mais alors il ne fallait pas sortir… Voilà bien mon caractère… Je veux toujours aller plus vite que les événements… Hum ! Quelle heure est-il ? Il doit être neuf heures… Si Pétrouchka arrive, il ne me trouvera pas à la maison… J’ai fait une bêtise en sortant… Quelle histoire ! »

Confessant sa sottise, M. Goliadkine courut chez lui, rue Schestilavotchnaïa. Il arriva chez lui fatigué, tourmenté… et apprit du portier que Pétrouchka n’était pas encore rentré… « Mais j’en était sûr… Il est déjà neuf heures… Quelle canaille ! Il est toujours à se soûler… Oh Seigneur Dieu ! Quelle journée ! » Songeant et se lamentant, M. Goliadkine ouvrit sa porte, frotta une allumette, se déshabilla complètement, fuma une pipe et épuisé, vanné, brisé, affamé, il se coucha sur le divan en attendant Pétrouchka. La bougie brûlait tristement, la lumière dansait