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nouveau sa pipe. Il remonte encore dans sa chambre. Il veut raisonner, mais il ne peut pas raisonner. Cette attente passive lui semble une agonie. Il lui faut une diversion. « Pétrouchka ne sera pas rentré avant une heure, le portier peut garder la clef, et moi-même j’examinerai l’affaire en attendant. Je l’examinerai moi-même, comme il faut », se dit M. Goliadkine.

Il prend son chapeau sort de la chambre, ferme son appartement, rentre chez le portier, lui donne sa clef et dix kopeks. M. Goliadkine est devenu extrêmement large. Il va d’abord à pied vers le pont Ismailowsky. Il marche ainsi à peu près une demi-heure. A la fin de sa promenade il entre dans la cour d’une maison qu’il connaît bien. Il regarde les fenêtres du conseiller d’État Bérendeiev. Sauf trois fenêtres que voilaient des stores rouges, toutes les autres étaient obscures. « Il n’y a sans doute pas d’invités aujourd’hui chez Olsoufi Ivanovitch. Ils sont tous à la maison probablement », pense M. Goliadkine. Il reste un instant dans la cour afin de prendre une décision, mais il ne prend pas de décision, il réfléchit, fait un geste de la main et retourne dans la rue. « Non, ce n’est pas là que je devais aller. Qu’y ferais-je… ? Évidemment… Il vaut mieux que j’étudie l’affaire à moi tout seul… »

Ayant ainsi décidé, M. Goliadkine s’en fut à son bureau. Il était assez loin de là, la boue était