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cette lettre à l’adresse indiquée. Tu comprends ?

— Je comprends.

— Et si là-bas… là où tu auras porté cette lettre… ce monsieur à qui tu la remettras… ce M. Goliadkine… pourquoi ris-tu, idiot ?

— Moi ! pourquoi rire ? quoi… moi… rien, je n’ai plus de raison de rire.

— Eh bien voilà : si ce monsieur te demande qui est ton maître… ce qu’il fait… enfin s’il essaye de savoir quelque chose, alors tu te tairas et tu répondras : « Mon maître… rien… mais il demande une réponse personnelle… par écrit. » Entends-tu ?

— Je comprends.

— Et voilà, tu diras : Mon maître… rien… il est bien portant… et il se prépare à faire des visites… et il demande une réponse par écrit. Tu comprends ?

— Je comprends.

— Allons, va. « Quel souci avec cet idiot ! Il rit ! De quoi rit-il ? Je sens un malheur, un vrai malheur. Mais peut-être tout finira-t-il bien… Ce coquin va mettre deux heures à faire cette commission… il ira ailleurs… on ne peut l’envoyer nulle part. Quel malheur ! Quel malheur ! »

Notre héros s’est résolu à attendre tranquillement, pendant deux heures, le retour de Pétrouchka. Pendant une heure, il se promène dans sa chambre, fume sa pipe, la dépose, prend un livre, s’allonge sur le divan, reprend de