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pas dans un royaume de féerie, mais à Saint-Pétersbourg, dans la capitale, dans la rue Schestilavotchnaïa, au quatrième étage d’une très vaste maison, dans son appartement à lui. Après cette importante découverte, M. Goliadkine ferma nerveusement les yeux, comme s’il eût regretté son dernier rêve et qu’il eût désiré le retenir un peu. Mais un instant après, d’un bond, il sauta de son lit. Sans doute avait-il ressaisi l’idée qui liait ses songeries incohérentes. Ayant bondi de son lit, il se précipita vers un petit miroir arrondi qui était sur la commode. Reflété dans le miroir, son visage ensommeillé, aux yeux mi-fermés, plutôt fané, était de ceux qui passent inaperçus. Mais néanmoins M. Goliadkine était assurément très satisfait de l’image que lui montrait son miroir.

« Voilà qui serait joli, se dit M. Goliadkine à mi-voix, voilà qui serait joli, si aujourd’hui quelque chose allait clocher, s’il me venait un bouton ou quelque autre désagrément. Pourtant jusqu’ici, tout va assez bien, ça va même bien… »

S’étant ainsi réjoui de ce que tout allait bien, M. Goliadkine remit le miroir à sa place et, pieds nus, dans son costume de nuit, il courut à la fenêtre. Les fenêtres de son appartement donnaient sur la cour. Il regarda dans la cour avec beaucoup d’intérêt. Il fut satisfait de son exa-