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M. Goliadkine sentit des fourmillements partout son corps. « D’ailleurs, continua-t-il en allant à son bureau, voici longtemps que je le dis, voici longtemps que je l’ai pressenti, il est chargé d’une mission spéciale ; c’est cela. Hier déjà je disais que cet homme n’est entré ici que sur une recommandation très particulière. »

— Iakov Pétrovitch, avez-vous terminé votre papier d’hier ? demanda Anton Antonovitch Sitotchkine à M. Goliadkine qui s’asseyait à côté de lui. Est-il resté chez vous ?

— Il est ici, chuchota M. Goliadkine en regardant son chef d’un air presque éperdu.

— Bien, je vous le demande parce qu’André Philippovitch l’a réclamé deux fois déjà. Il se pourrait que Son Excellence s’en inquiétât aussi…

— Non, il est terminé.

— C’est bon.

— Il me semble, Anton Antonovitch, que je fais toujours mon service comme il faut, et que j’exécute avec soin les ordres de mes chefs.

— Oui, qu’entendez-vous par là ?

— Moi… rien, Anton Antonovitch, je voulais vous expliquer seulement, Anton Antonovitch… c’est-à-dire… je voulais dire que parfois la méchanceté et l’envie n’épargnent personne, lorsqu’il s’agit de ce répugnant pain quotidien.

— Excusez-moi, je ne vou scomprends pas bien. A qui faites-vous allusion ?