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contraint malgré lui, et mit son oreille juste sous le nez de M. Goliadkine.

— Je vous dirai, Iakov Pétrovitch, que je suis étonné de ce procédé, qu’assurément j’étais loin de m’attendre…

— Il y a des formes à tout, présentez-vous au secrétaire de Son Excellence, et allez ensuite chez M. le chef de cabinet. Vous avez une demande à faire ?

— Je ne comprends pas, Iakov Pétrovitch, vous m’étonnez, Iakov Pétrovitch. Sûrement vous ne me reconnaissez pas. Vous plaisantez… vous êtes d’un naturel plutôt gai.

— Ah c’est vous ? dit M. Goliadkine cadet, comme s’il venait seulement de reconnaître M. Goliadkine aîné. Ah c’est vous ? eh bien avez-vous bien dormi ?

M. Goliadkine cadet eut un léger sourire inconvenant bien qu’officiel, puisqu’il était l’obligé de M. Goliadkine aîné. Il dit avec son sourire officiel « qu’il est vraiment très heureux que M. Goliadkine ait bien dormi », puis il s’incline légèrement, piétine sur place, regarde à droite et à gauche, baisse les yeux sur le parquet, s’enfuit par la porte voisine, tout en disant très rapidement qu’il est chargé d’une mission spéciale. Il disparaît dans la pièce à côté, on ne voit plus que ses talons.

« En voilà une histoire ! murmure M. Goliadkine un instant stupéfait. En voilà une histoire ! »