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vait plus y tenir. Il abandonna sa pipe inachevée, s’habilla, et alla au bureau. Il voulait découvrir le danger, l’observer de ses propres yeux. Le danger existait. Déjà il savait qu’il existait. « Allons, nous verrons… tout de suite… se dit M. Goliadkine en ôtant dans le vestibule son manteau et ses galoches. Nous mettrons tout de suite toutes ces histoires au clair. »

Tout en prenant cette résolution, M. Goliadkine se rajusta, prit un air officiel et correct, il voulut pénétrer dans la pièce voisine, quand, soudain, dans l’embrasure même de la porte, il se heurta à son ami de la veille. M. Goliadkine cadet ne parut pas même remarquer M. Goliadkine aîné, bien qu’il l’eût heurté presque face à face. M. Goliadkine cadet paraissait très préoccupé, très pressé, très essoufflé, il avait l’air si officiel, si affairé que chacun eut dit à voir son visage : « Il est chargé d’une mission importante. »

— Ah c’est vous, Iakov Pétrovitch ? dit M. Goliadkine, saisissant par la main son hôte de la veille.

— Après, après, excusez-moi, vous me raconterez ça après, s’écria M. Goliadkine cadet en s’élançant en avant.

— Cependant, permettez… vous avez voulu… Iakov Pétrovitch… comment dire…

— Comment ? expliquez-vous plus vite. Ici l’hôte de M. Goliadkine s’arrêta comme s’il y eût été