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M. Goliadkine s’arrêta. « N’est-ce pas trop ? pensa-t-il. Ne suis-je pas allé trop loin ? C’est toujours ainsi, je fais toujours des gaffes. » Il quitta Pétrouchka très mécontent de lui-même. De plus il était offensé de la grossièreté et de la bêtise de Pétrouchka. « On est poli avec cette canaille. Son maître lui fait l’honneur… et il ne le comprend pas », pense M. Goliadkine. « D’ailleurs toutes ces canailles ont le même instinct. » Il rentra dans sa chambre en titubant un peu. Son hôte était couché. Il s’assit un instant sur son lit.

— Avoue, Iacha, murmura-t-il, avoue, canaille, que tu es coupable envers moi, tu es mon homonyme, quoi… continua-t-il assez familièrement. Enfin il lui souhaita amicalement une bonne nuit et s’en alla se coucher. L’hôte commençait à ronfler. M. Goliadkine se mit au lit et chuchota en souriant : « Tu es ivre aujourd’hui, mon cher Iakov Pétrovitch, canaille ! Eh bien, pourquoi te réjouis-tu, demain tu pleureras, pleurnicheur que tu es. Que puis-je faire de toi ? » Alors une sensation étrange s’empara de M. Goliadkine, doute ou repentir. « Voilà maintenant que ma tête tourne, je suis ivre, je ne me suis pas tenu sur mes gardes, idiot que je suis, et j’ai dit des bêtises. Sans doute le pardon et l’oubli des offenses est la plus grande des vertus. J’ai eu tort tout de même. Voilà. »

M. Goliadkine se leva, prit la bougie et, sur la