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sensations. D’abord il est extrêmement heureux, ensuite il ne peut plus se tenir sur ses jambes. Le convive est invité à passer la nuit. Le lit fut composé sommairement sur deux grandes chaises. M. Goliadkine cadet a déclaré que sous le toit d’un ami il est doux de dormir même sur le plancher. Pour lui il s’endormira n’importe où, où l’on voudra, avec reconnaissance. Maintenant il est au paradis, mais il a tant supporté pendant sa vie malheureuse, tant souffert ! Et qui peut prédire l’avenir, peut-être devra-t-il souffrir encore. M. Goliadkine aîné protesta contre ces paroles et se mit à lui démontrer qu’il faut mettre tout son espoir en Dieu. Son hôte acquiesçait et disait « qu’assurément… il n’y a personne comme Dieu ». Ici M. Goliadkine aîné remarqua que les Turcs n’ont pas tort d’invoquer, même dans le sommeil, le nom de Dieu ; puis sans suivre les savants qui calomnient Mahomet, le prophète musulman, et voient en lui un grand homme politique, M. Goliadkine fait la description d’un salon de coiffure à Alger, qu’il a lue dans un livre. Tous deux se moquèrent de la naïveté des Turcs, mais il leur était impossible de ne pas rendre hommage et de ne pas admirer leur fanatisme exalté par l’opium…

L’hôte se dévêtit enfin. M. Goliadkine se retira derrière le paravent, considérant que peut-être son hôte n’avait pas de chemise, de chemise